Tous les ans, l’été arrive, et pour ceux qui ne partent pas en vacances ou ne trouvent pas d’emploi saisonnier, il reste la télévision. Alors dans ces cas on tombe bien souvent sur des clips à foison, tubes de l’été obligent, des émissions culinaires à la Gordon Ramsay, des épisodes de Sous le Soleil ayant somme toute assez mal vieillis et, parmi tout ce beau monde, une émission de téléréalité.
De toute façon, personne ne regarde Secret Story. Enfin, un peu personne, un peu tout le monde. Il y a trois catégories de personnes : ceux qui ne regardent pas Secret Story, ceux qui regardent et en sont fiers (généralement les collégiens et les pré-adolescents rêvant d’une vie comme celle mise en avant dans les médias) et ceux qui regardent et s’en cachent. C’est ainsi qu’on entend souvent « Je regarde seulement pour me moquer d’eux », « Je suis tombé dessus par hasard en regardant le zapping » ou bien encore « J’étais chez des amis qui tenaient absolument à regarder la quotidienne », etc etc. Bref, difficile de croire que les émissions et éditions de téléréalité se poursuivent si personne n’est là pour les suivre.
Endemol, pour resituer les événements, se trouve être l’une des plus grosses sociétés européennes liées au monde de la télévision et de la production. C’est elle qui a développé une partie non négligeable d’émissions phares de la première chaine (le Bigdil, Star Academy, Fear Factor, les Enfants de la Télé, Domino Day, Miss France, j’en passe et des pires) et des autres (Tout le monde en parle, + Clair ou encore On ne peut pas plaire à tout le monde). Pour ce qui est de la téléréalité, Endemol ne prend pas ses spectateurs pour des imbéciles, ou en tout cas ne se limite pas qu’à eux. Qui peut se faire mieux avoir par la production que les candidats eux-mêmes ? On peut penser, légitimement, que tout est mis en scène, tout est décidé et poussé à l’exagération extrême. C’est vrai, mais pas au sens où on peut le croire. Les plus à même d’être au cœur de la machination générale et ne s’en rendant pas vraiment compte sont avant tout les participants. Ils ne sont que des pions dans un système à moindre coût où Endemol tire les ficelles, provoquant à sa guise des raisons de disputes, de ruptures, ou à l’inverse, d’histoires d’Amour et d’amitié.
A moindre coût donc, comme le prouvent les photocopies des contrats que j’ai pu me procurer, de la saison précédente vous m’excuserez, permettant à la production de se dégager de toute responsabilité et de les brandir à leur guise pour leur permettre de décider des faits et gestes des candidats comme ils le feraient dans une série de fiction, avec de vrais acteurs, acteurs rémunérés.
Un point important explique ici beaucoup de choses. Pourquoi les candidats effectuent-ils des « missions » sans le moindre état d’âme, quand celles-ci pèsent souvent sur le psychologique des personnes ciblées et qu’elles montrent bien souvent une absence totale de dignité chez ceux qui acceptent de réaliser ces missions ? Car ils sont liés par contrat et sont obligés de mener à bien, ou en tout cas d’essayer de mener à bien, les tâches qui leur sont confiées. Menant les participants du bout des doigts par des meetings bien orchestrés et menés chaque jour par la production, décidant ainsi de la conduite à tenir et des rebondissements nécessaires aux émissions quotidiennes, Endemol a tout à gagner en faisant signer ce contrat, bien souvent par des candidats prêts à se battre pour participer à l’émission.
Un autre point présent dans le contrat, et non le moindre quand il s’agit de faire de Secret Story une vache à lait sans grande dépense inutile, concerne l’absence totale de rémunération pour les participants. Fait bien souvent ignoré, les candidats ne sont pas rémunérés sous un salaire mensuel ou sous une toute autre forme s’ils ne sont pas choisis pour la finale (on pourrait d’ailleurs faire un parallèle entre les cagnottes bien plates des finalistes contrairement à celles plus élevées de ceux quittant le jeu avant, et ne remportant donc rien …). Même si depuis 2009, Endemol se doit de montrer patte blanche devant la chambre sociale, cette dernière considérant à juste titre que la participation d’un candidat à l’émission relève du code du travail. Pas de rémunération jusqu’à l’année dernière donc, pour avoir mis sa vie en stand-by pendant 10 à 14 semaines et s’être affiché au grand jour, pas souvent sous le meilleur. Au final tout le monde y trouve tout de même son compte car nombreux sont les journaux à scandales prêts à débourser une coquette somme pour obtenir des interviews trash des ex-candidats. Trash, le mot est lancé. Quelle est donc la position du CSA sur ce type d’émissions ? Etiquetée comme émission déconseillée aux moins de 10 ans, Secret Story est de plus en plus rappelée à l’ordre et forcée de fixer des limites à sa propre bienséance. Les cigarettes des premières saisons, puis floutées ont complètement disparu de l’écran, pour cause, une pièce spéciale mise à disposition des fumeurs fait aussi partie de la maison, pour ne pas donner de mauvais exemples à la nouvelle génération (rajoutons que les cartouches ne sont évidemment pas payées par la production mais par les familles des candidats en question). Revenons sur les journaux à scandales, dits « people », qui publient ces derniers temps des photos assez explicites (quand on cherche des infos, autant ne pas y aller à moitié) dont les images n’ont pourtant pas été montrées à l’antenne. Images trafiquées et interviews mensongers ou vidéos censurées par Endemol ? Soucis de garder un certain contrôle sur le politiquement correct ou désapprobation du CSA ? Un peu des deux sans nul doute comme le prouve la censure des insultes étant légion dans les conversations souvent très raffinées et intelligentes des candidats. Au lieu de tirer à boulet rouge sur les marionnettes de ces genres d’émission, visons plutôt les productions prêtes à tout pour asseoir leur image et perdurer sans se soucier des répercutions de ces jeux sur les acteurs comme les spectateurs. Spectateurs eux aussi à blâmer, quand on voit qu’une bonne partie du public (majeur j’entends), préfère payer pour voter dans ce genre d’émissions déshumanisante plutôt que de participer aux élections qui pourraient décider de leur vie réelle, pour rendre leur cerveau humain disponible à des choses plus utiles.