J’ai passé un second cap dans ma vie dissolue par l’alcool. Celui-ci ne me fait plus rien, ou plutôt difficilement selon les quantités ingurgitées. Les mélanges ne me font plus rien, les alcools forts ne m’aident même pas à me faire sentir hors de moi – seulement à me brûler la gorge, à ce niveau rien de changé – et les quantités bues ne laissent pas même entrapercevoir un semblant d’euphorie factice, alors même que je me nourris de moins en moins. Plus d’impression d’être pompette donc, mais fort heureusement pas non plus de mal au crâne ou au cœur, juste rien. Juste l’impression d’avoir voulu me prendre une cuite phénoménale à base d’eau minérale. Là où le bât blesse est que, bien que je boive le plus souvent de l’alcool par plaisir, c’était ici dans l’optique d’en ressentir les effets positifs. Hélas, que nenni. Je ne fus ni désinhibée, ni courageuse, ni forte, ni gagnante. J’ai été comme j’étais d’habitude, j’ai ri comme en plein jour, j’ai pleuré comme en plein jour, j’ai aimé et j’ai eu peur comme en plein jour. En étant à chaque instant en pleine possession de mes moyens et de mes pensées, ne pouvant prendre pour moi-même l’excuse de l’alcool pour dire ou faire ce que je pensais, comme je l’aurais souhaité.
Même en pleine crise d’hystérie, rester consciente. J’aime tellement conduire que j’évite le plus possible les médicaments qui me l’empêche, alors même que je me dois de les prendre. Je ne les prends qu’en cas d’urgence, quand je sais que ma bipolarité est en train de me faire basculer dans une orgie de pleurs et de spasmes. Où à ces moments mon souhait de me faire du mal est à son paroxysme, où je ne vois pas comment je pourrais me relever un jour et que je passerais de toute façon toute ma vie à pleurer. Malheureusement, lors de certaines soirées, ces crises indescriptibles qu’il faut voir pour croire ne préviennent pas. Imprévisibles, impossibles à arrêter seule, virulentes, exténuantes, une autre réalité que même l’alcool ne saurait créer. Ces crises sont mon jardin secret, pire, mon lot quotidien. Montrer sans le vouloir cette faiblesse extrême n’a fait que me montrer à quel point j’avais honte de la personne que j’étais, alcool ou pas. Sans alcool, c’eut peut-être même été pire. Physiquement malades, nous sommes des héros, mentalement malades, nous sommes des monstres.
Tout ne peut toujours pas être simple et comme on m’a sagement dit le weekend dernier, ce ne sont pas les plus méritants qui gagnent. On peut faire preuve d’une volonté hors-normes, de vouloir atteindre son objectif plus que tout, de souhaiter quelque chose ou quelqu’un si fort et s’en donner les moyens, on ne peut jamais être assuré que tout se déroule comme prévu. C’est bien même souvent l’inverse qui se passe. Alors après avoir tant tendu le cou, on rentre à nouveau dans sa carapace pour oublier ses rêves, ses envies et revenir à la vie réelle. On s’en veut d’avoir voulu rêver et échapper à son quotidien morne de la plus belle façon qui soit, d’avoir cru cela réalisable, en s’imaginant depuis des mois des scénarii permettant de s’endormir la nuit venue, au lieu d’avoir la possibilité de rester éveillé pour vivre ses fantasmes.
Qu’elle dégage avant l’orage, cette jeune femme qui passe son temps à sourire, avec ses yeux bouffis par les larmes.