Je travaille dans les Ressources Humaines, je suis une RH comme je peux bien souvent l’entendre. Et j’en entends beaucoup des réflexions quant à mon travail, mon domaine, mon secteur d’activité.
Je suis généralement le point d’entrée dans un groupe quand vous postulez. Je suis le premier contact, car je travaille spécifiquement dans le recrutement. Car non, les RH ne font pas que renvoyer des salariés. Nous les recrutons, nous les formons, nous les faisons évoluer, nous dressons les fiches de paie et les contrats de travail, au même titre que nous appliquons les douloureuses décisions prises par les directions.
Je suis votre premier contact donc, bien que la découverte ne se fasse pas pour vous et moi au même moment. Je vous découvre en trouvant votre CV sur l’Apec ou quand vous postulez à l’une des offres d’emplois dont j’ai la charge. En moins de dix secondes, je peux savoir si vous convenez ou non, c’est un fait. Pourtant, je suis humaine et je peux aussi m’attarder à découvrir qui vous êtes, ou ce que vous laissez paraître : vos centres d’intérêt, la dernière entreprise au sein de laquelle vous avez travaillé ou encore les mots-clés qui peuvent me faire réagir. Nous ne sommes ni des machines, ni des robots. Je travaille dans un groupe de 150 000 personnes, mon équipe et moi-même gérons simultanément près de 1500 offres d’emplois pour nos recrutements en interne, mais nous sommes et restons des humains. Nous regardons chaque CV que nous recevons, nous analysons chaque candidature sans la passer dans des espèces de filtres à mots-clés qui peuvent être vantés dans les reportages. Dans le même ordre d’idée, ne glissez pas lesdits mots-clés en typo blanche sur fond blanc comme je le vois bien trop souvent. Nous le voyons, nous le remarquons et nous n’apprécions évidemment pas, car c’est en tant que personnes que nous sommes froissées de passer à vos yeux pour des machines.
Le laps de temps que nous mettons à vous appeler est variable et peut parfois s’étendre très en longueur. Les raisons sont simples, ne sont pas secrètes, mais personne ne prend vraisemblablement le temps de les expliquer. A titre d’exemple, je gère plus d’une cinquantaine de postes à pourvoir. Autant d’annonces à rédiger, à mettre en ligne, autant d’annonces sur lesquelles je me dois d’aller voir les candidatures reçues, où certaines peuvent recevoir jusqu’à 60 CV par jour. A côté de cela, je fais des entretiens physiques, j’effectue des réunions nécessaires, je m’entretiens de longues minutes avec les référents opérationnels des postes dédiés… Je ne parle même pas de la dizaine de reportings que je dois mettre à jour de façon quotidienne ou des dizaines de mails que je peux recevoir en une journée. Alors oui, si vous recevez un mail qui vous précise que nous pouvons revenir vers vous jusqu’à une dizaine de jours plus tard, ne soyez pas estomaqués par cette durée.
Quelques heures, voire quelques jours après avoir trouvé ou reçu votre CV, je vous appelle. Je sors de ma carapace de protection, de mon clair-obscur, de ma sécurité. Car je sais que lorsque je vous aurai appelé / envoyé un mail / laissé un message / rencontré en entretien, vous ne m’oublierez pas de sitôt. Je vais vous donner une date butoir de réponse, que j’espère toujours tenir, mais ce ne sera pas le cas. Vous me rappellerez, vous serez énervés, vous aurez raison de l’être mais je ne pourrai rien changer. Le fait est que plus vous visez un grand groupe, plus les intermédiaires s’accumulent. Je vais transmettre votre candidature, qui sera vue, puis transmise à nouveau, revue, transmise à nouveau, sur un délai variable selon les jours de congés de chacun ou leur aptitude à être disponible. Pendant ce temps je ne vous oublie pas, j’effectue des relances constantes auprès de mes interlocuteurs en interne, je les appelle, je leur envoie des mails. Mais bien souvent je ne suis que la RH qui n’est pas au plus près des besoins opérationnels et parfois même, un candidat peut être en passe d’être rencontré, voire recruté alors que je l’ignore. J’essuie donc vos appels, vos relances et vous promets de vous donner du mieux que je peux et au plus vite une réponse. Tout en sachant que je n’ai hélas pas toutes les clés en main.
Je travaille aux ressources humaines, je suis le premier point de contact, je suis le gilet pare-balles. Mais je reste une vraie personne. Je fais sûrement mécaniquement le geste de vous envoyer un mail de refus, vous expliquant par le menu ô combien j’ai trouvé votre candidature extraordinaire sans pouvoir y donner suite, mais j’en mesure à chaque fois les conséquences. Votre dépit, votre incompréhension. J’essaye toujours de donner leur chance à des candidats qui ne respectent pas en tous points les pré-requis demandés dans l’annonce, mais si je fais cela, j’essuie de l’autre côté des remarques de la part des opérationnels sur le décalage entre le besoin factuel et le CV transmis. Evidemment, tout n’est pas tout noir, loin de là. Nous recrutons, nous vous donnons également le plus souvent des réponses rapides, mais je préfère prévenir qu’il ne faut pas se formaliser devant des délais qui peuvent parfois s’allonger en vous en expliquant les raisons.
C’est hélas fataliste, mais si vous ne correspondez pas aux critères demandés, ne postulez pas. Et ne créez pas de double-compte par pitié, épargnez-nous et épargnez-vous ça. Si vous correspondez et postulez, vous ne serez évidemment pas le ou la seule. Mais ne désespérez pas, il y a beaucoup de chaussures pour beaucoup de pieds. En revanche, n’oubliez pas qu’il y a des hommes et des femmes de l’autre côté de la barrière. Que nous avons un cœur nous aussi, que nous avons des envies de carrière également, que nous avons postulé maintes fois dans notre vie, comme vous. Que nous avons essuyé des refus, comme vous. Mais que si nous avons choisi les ressources humaines comme fil de vie, et d’autant plus le recrutement, c’est autant pour nous que pour vous.