Sexe & Rock’n’Roll

Une nuit dans les années 70

Prenant la route depuis Paris un jour de départs en vacances, rien n’aurait pu plus lui faire penser au XXIème siècle. Les passants pressés, les conducteurs surexcités et les heures d’embouteillages ne pouvaient faire oublier à Emma qu’elle était une femme des années 2000.

Seulement voilà, Emma avait sciemment fui cette société dégénérée pour aller s’offrir un weekend de calme et de volupté dans un festival, où elle souhaitait comme à chaque fois retrouver l’état d’esprit déconnecté de la réalité, dans tous les sens du terme. Arrivée sur place, sous un soleil de plomb, elle exhibe sa nouvelle coupe de cheveux comme si elle sortait d’un épisode de That’s 70’s Show, ainsi que sa tenue champêtre, destinée à parer les inconvénients de la météo et du terrain sableux et poussiéreux propres aux concerts en plein air.

Avec ses acolytes, elle plante la tente. Plus qu’une simple tente, une caravane dépliable qui permettrait de loger sans se gêner une demi-douzaine de personnes. Elle aménage des rangements, planque les packs de bières et autres bouteilles d’alcool sous les coussins et se met à apprécier le temps qu’il fait plus que le temps qui passe, comme elle a la fâcheuse habitude de faire dans sa vie professionnelle.

Quelques bières et débats philosophiques plus tard, elle décide de se diriger vers ce pourquoi elle était venue : le festival en lui-même, et non seulement le camping où elle avait commencé à passer un long moment. Arrivant tout juste à l’heure pour voir le groupe pour lequel elle s’était déplacée, les comparses décident tout de même qu’il leur reste encore quelques minutes pour passer à la buvette du village, le temps de patienter avec une boisson fraîche, mais là encore alcoolisée. Quand ses amis étaient encore au stand en train de passer commande, c’est avec déception qu’elle entendit que le concert était annulé. C’est alors une toute autre soirée qui était sur le point de commencer.

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Rebroussant chemin pour parcourir à nouveau le bon gros kilomètre à pied qui use les souliers entre les scènes et le camping et arrivant près de la fantastique tente, Emma entendit retentir au loin les sons de guitare en solo des artistes qu’elle était venue voir en duo. Dépitée, elle ouvrit une énième bière en y laissant fondre un carton recouvert d’acide, histoire de sauver la soirée en ne se contentant pas de boire pour oublier. Les effets tardant, c’est une deuxième dose de LSD qu’elle se glissera sous la langue comme une tête brûlée afin de commencer vraiment la soirée. Ne souhaitant pas rester sur une telle déception, les amis repartent vers le festival et rejoignent la partie gratuite pré-entrée, qu’ils avaient traversée sans tourner une seule fois le regard la première fois. Mais cela était sans compter l’abnégation des agents de sécurité refusant toute entrée à quiconque avait un verre plein entre les mains. Heureusement pour Emma, le LSD, comme les psychotropes contenus dans les champignons hallucinogènes, est indétectable aux tests salivaires. Un comble quand on sait que cela ferait bien plus de ravages au volant qu’un demi-verre de vin en trop…

Buvant leurs verres, ils ont fait des rencontres insolites qui les ont accompagnés tout au long de leur bon voyage. Emma a alors redécouvert le festival, les stands nourris aux sons et aux lumières, la foule qui s’agite, la gentillesse omniprésente. On ne pense pas assez aux plaisirs faciles : faire du vélo pour fabriquer de la lumière, se glisser dans la tente de quelqu’un, s’extasier devant une boule à facettes, résister à l’envie de pendre son téléphone pour avouer des choses inavouables, se laisser prendre par l’épaule pour découvrir monts et merveilles ou goûter le plaisir simple d’une glace faite au lait de chèvre. Emma a beaucoup parlé, beaucoup ri, beaucoup admiré, le tout sans retenue aucune. En s’endormant à 7h30 du matin passés, ce ne sont pas des larmes, mais un sourire béat qui lui barrait le visage.

Lonely Lisa

Lisa fait peine à voir et le sait. Elle se fait surtout beaucoup de peine en se regardant dans la glace. Marchant à travers sa maison le corps agité de soubresauts. Le cœur qui cogne à s’en faire éclater la poitrine. Ses pulsations grandissantes qui ne font qu’accentuer un malaise incurable, par aucun médecin ni aucun médicament : sa tristesse.

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Couverte de laine sur ses épaules, elle regarde les pistes de ski de fond, visibles depuis le balcon de sa chambre. La tête haute, volontaire de porter son regard au loin, elle allume son énième cigarette de la journée, désireuse de se laisser aller au vent comme cette fumée, rendue presqu’opaque par le froid de la Savoie, qu’elle habite depuis plusieurs années déjà. S’évaporer pour aller se réfugier dans les bras d’un de ses fucking friends comme la société moderne les appelle, quand ils sont surtout pour elle des amis proches, cherchant l’illusion d’être entourée et protégée. Et désirée. Et aimée. Tout en sachant que tout cela ne restera qu’une illusion. Et c’est très bien ainsi. Ce n’est pas d’eux dont elle cherche l’Amour, dans les bras desquels elle se met à pleurer une fois le plaisir donné et reçu, en pensant à une toute autre personne, celle que Lisa aime réellement. Celle qu’elle essaye de chasser de son esprit en se blottissant dans le lit d’autres hommes.

Lise n’aime pas les filles. Ou plutôt elle en aime certaines, en désire d’autres, flirte volontiers avec quelques unes, et parfois plus le temps d’une nuit, mais n’apprécie pas la gente féminine dans sa globalité. Elle les déteste car elles représentent ses pires faiblesses. Lisa méprise les filles qui s’habillent de manière aguicheuse avec des jupes courtes, trop courtes. Mais elle le fait aussi. Lisa crache sur ces filles qui ont déjà trompé leur petit ami, peu importe la raison, c’est inexcusable. Elle les méprise pour cela et ne pense qu’à des mots insultants pour les décrire. Mais elle l’a déjà fait aussi. Lisa ne comprend pas ces filles qui se donnent au premier venu, rencontré lors d’une soirée arrosée, déshonorant ainsi leur corps en s’offrant sans concession. Mais elle le fait aussi.

Ces filles font peine à voir mais elles ne le savent pas. Lisa seule, à assez de recul nécessaire pour s’estimer différente de ces dernières, mais si semblable pourtant. Elle déteste ces filles pour ce qu’elles sont ; des bouts de miroir mis côte à côte afin d’assembler la glace dans laquelle elle se regarde aujourd’hui.

C’est dans l’Air de Paris

Dimanche dernier, sous la chaleur habituelle du ciel parisien (non, c’est une blague, il faisait froid une bonne partie de la journée), rendez-vous était donné au centre Pompidou pour un flashmob anniversaire. Un flashmob ? L’anniversaire de qui, de quoi ?
Pour reprendre la définition de Wikignagna « Une flash mob, terme anglais traduit généralement par foule éclair ou mobilisation éclair, est le rassemblement d’un groupe de personnes dans un lieu public pour y effectuer des actions convenues d’avance, avant de se disperser rapidement. »
L’anniversaire fêté était celui de Mylène Farmer d’une part et de son dernier concert au Stade de France d’autre part « j’ai 80 000 invités pour mon anniversaire, c’est absurde » (petit rappel, et je remercie grandement Mélissa : Vente record de 160 000 billets en 2 heures, la plus grande scène d’Europe entièrement couverte (64 mètres d’ouverture, 22 mètres de profondeur, 24 mètres de hauteur), une avancée de 65 mètres dans le Stade, 750 m² d’écrans, 200 tonnes de matériel posé sur la pelouse, 90 semi-remorques de matériel et 1200 personnes pour tout gérer).

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Avant tout organisé sur Facebook, l’événement aura rassemblé 138 danseurs et plus du double de participants dans la globalité (photographes, accompagnateurs et journalistes compris). Dresscode simple et peu farmérien pour un sou : haut blanc et lunettes noires, pour réaliser la chorégraphie de la chanson C’est dans l’Air effectuée en live il y a tout juste un an. On aurait du venir avec des croix en bois sur le torse, du sang sur les habits et du sperme sur les chaussures, ça aurait sûrement plu au plus grand nombre, force est de constater que les détracteurs de Farmer sont souvent ceux ne connaissant d’elle que ses forts succès médiatiques d’une époque désormais révolue (Libertine ou Sans Contrefaçon pour ne citer qu’eux). Mylène Farmer a bien plus de légitimité qu’une chanteuse à la mode qui ne ferait que passer. Ses textes, dits incompréhensibles par les hérétiques, reflètent les maux de la société qui vont et viennent et le malaise ambiant suivant les décennies. Dans Dégénération par exemple, son Sexy trauma, sexy coma ne veut que pointer du doigt ces jeunes buvant à outrance et risquant la Mort pour quelques minutes de plaisir extatique. Jouant à outrance avec les mots (dont Eaunanisme et l’Histoire d’une fée, c’est … ne sont que des exemples plus fragrants que d’autres) et s’inspirant tantôt d’Edgar Allan Poe, tantôt d’Egon Schiele pour sa peinture, on ne peut que faire la différence entre ses textes délicatement construits et ceux de Sheryfa Luna.

En guise de conclusion je reprends un commentaire de Mélou sur le blog de Zegut (ce dernier s’offusquant du prochain duo Farmer / Ben Harper), « Faut arrêter de cracher dans la soupe sans connaitre. Farmer n’est pas une chanteuse pleurnicheuse sadomasochiste comme tout le monde aime si bien la cataloguer, c’est avant tout une putain d’artiste, qui respecte son public, ses shows sont monstrueux, pas pour rien qu’elle bosse avec Mark Fisher (U2) et qu’elle utilise des techniques en première mondiale comme son rideau d’eau avec les paroles apparaissant en gouttelettes d’eau ou le dernier système acoustique pour ses concerts au stade de France, alors on aime ou on n’aime pas, mais se foutre comme ça de sa gueule sans connaitre qui elle est professionnellement je trouve ça lourd ! Voilà c’est dit elle mérite un immense respect et dans le milieu musical, elle l’a, elle pousse toujours les limites et met tout son fric dans ses shows, alors oui, on aime ou on n’aime pas ses chansons mais le personnage est ultra cultivé et ultra professionnel […] ! ».

A bon entendeur …

Secret Story, la vache à lait d’Endemol

Tous les ans, l’été arrive, et pour ceux qui ne partent pas en vacances ou ne trouvent pas d’emploi saisonnier, il reste la télévision. Alors dans ces cas on tombe bien souvent sur des clips à foison, tubes de l’été obligent, des émissions culinaires à la Gordon Ramsay, des épisodes de Sous le Soleil ayant somme toute assez mal vieillis et, parmi tout ce beau monde, une émission de téléréalité.

De toute façon, personne ne regarde Secret Story. Enfin, un peu personne, un peu tout le monde. Il y a trois catégories de personnes : ceux qui ne regardent pas Secret Story, ceux qui regardent et en sont fiers (généralement les collégiens et les pré-adolescents rêvant d’une vie comme celle mise en avant dans les médias) et ceux qui regardent et s’en cachent. C’est ainsi qu’on entend souvent « Je regarde seulement pour me moquer d’eux », « Je suis tombé dessus par hasard en regardant le zapping » ou bien encore « J’étais chez des amis qui tenaient absolument à regarder la quotidienne », etc etc. Bref, difficile de croire que les émissions et éditions de téléréalité se poursuivent si personne n’est là pour les suivre.

Endemol, pour resituer les événements, se trouve être l’une des plus grosses sociétés européennes liées au monde de la télévision et de la production. C’est elle qui a développé une partie non négligeable d’émissions phares de la première chaine (le Bigdil, Star Academy, Fear Factor, les Enfants de la Télé, Domino Day, Miss France, j’en passe et des pires) et des autres (Tout le monde en parle, + Clair ou encore On ne peut pas plaire à tout le monde). Pour ce qui est de la téléréalité, Endemol ne prend pas ses spectateurs pour des imbéciles, ou en tout cas ne se limite pas qu’à eux. Qui peut se faire mieux avoir par la production que les candidats eux-mêmes ? On peut penser, légitimement, que tout est mis en scène, tout est décidé et poussé à l’exagération extrême. C’est vrai, mais pas au sens où on peut le croire. Les plus à même d’être au cœur de la machination générale et ne s’en rendant pas vraiment compte sont avant tout les participants. Ils ne sont que des pions dans un système à moindre coût où Endemol tire les ficelles, provoquant à sa guise des raisons de disputes, de ruptures, ou à l’inverse, d’histoires d’Amour et d’amitié.

A moindre coût donc, comme le prouvent les photocopies des contrats que j’ai pu me procurer, de la saison précédente vous m’excuserez, permettant à la production de se dégager de toute responsabilité et de les brandir à leur guise pour leur permettre de décider des faits et gestes des candidats comme ils le feraient dans une série de fiction, avec de vrais acteurs, acteurs rémunérés.

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Un point important explique ici beaucoup de choses. Pourquoi les candidats effectuent-ils des « missions » sans le moindre état d’âme, quand celles-ci pèsent souvent sur le psychologique des personnes ciblées et qu’elles montrent bien souvent une absence totale de dignité chez ceux qui acceptent de réaliser ces missions ? Car ils sont liés par contrat et sont obligés de mener à bien, ou en tout cas d’essayer de mener à bien, les tâches qui leur sont confiées. Menant les participants du bout des doigts par des meetings bien orchestrés et menés chaque jour par la production, décidant ainsi de la conduite à tenir et des rebondissements nécessaires aux émissions quotidiennes, Endemol a tout à gagner en faisant signer ce contrat, bien souvent par des candidats prêts à se battre pour participer à l’émission.

Un autre point présent dans le contrat, et non le moindre quand il s’agit de faire de Secret Story une vache à lait sans grande dépense inutile, concerne l’absence totale de rémunération pour les participants. Fait bien souvent ignoré, les candidats ne sont pas rémunérés sous un salaire mensuel ou sous une toute autre forme s’ils ne sont pas choisis pour la finale (on pourrait d’ailleurs faire un parallèle entre les cagnottes bien plates des finalistes contrairement à celles plus élevées de ceux quittant le jeu avant, et ne remportant donc rien …). Même si depuis 2009, Endemol se doit de montrer patte blanche devant la chambre sociale, cette dernière considérant à juste titre que la participation d’un candidat à l’émission relève du code du travail. Pas de rémunération jusqu’à l’année dernière donc, pour avoir mis sa vie en stand-by pendant 10 à 14 semaines et s’être affiché au grand jour, pas souvent sous le meilleur. Au final tout le monde y trouve tout de même son compte car nombreux sont les journaux à scandales prêts à débourser une coquette somme pour obtenir des interviews trash des ex-candidats. Trash, le mot est lancé. Quelle est donc la position du CSA sur ce type d’émissions ? Etiquetée comme émission déconseillée aux moins de 10 ans, Secret Story est de plus en plus rappelée à l’ordre et forcée de fixer des limites à sa propre bienséance. Les cigarettes des premières saisons, puis floutées ont complètement disparu de l’écran, pour cause, une pièce spéciale mise à disposition des fumeurs fait aussi partie de la maison, pour ne pas donner de mauvais exemples à la nouvelle génération (rajoutons que les cartouches ne sont évidemment pas payées par la production mais par les familles des candidats en question). Revenons sur les journaux à scandales, dits « people », qui publient ces derniers temps des photos assez explicites (quand on cherche des infos, autant ne pas y aller à moitié) dont les images n’ont pourtant pas été montrées à l’antenne. Images trafiquées et interviews mensongers ou vidéos censurées par Endemol ? Soucis de garder un certain contrôle sur le politiquement correct ou désapprobation du CSA ? Un peu des deux sans nul doute comme le prouve la censure des insultes étant légion dans les conversations souvent très raffinées et intelligentes des candidats. Au lieu de tirer à boulet rouge sur les marionnettes de ces genres d’émission, visons plutôt les productions prêtes à tout pour asseoir leur image et perdurer sans se soucier des répercutions de ces jeux sur les acteurs comme les spectateurs. Spectateurs eux aussi à blâmer, quand on voit qu’une bonne partie du public (majeur j’entends), préfère payer pour voter dans ce genre d’émissions déshumanisante plutôt que de participer aux élections qui pourraient décider de leur vie réelle, pour rendre leur cerveau humain disponible à des choses plus utiles.

Bienvenue dans la Vie ²

Je relisais certains de mes billets et je me suis rendue compte – impression fausse je l’espère – que j’écrivais mieux il fut un temps. Le fait est que j’écrivais sans nul doute juste différemment. C’est pourquoi je me permets exceptionnellement de reposter un ancien de mes articles, datant de 2008, que j’affectionne beaucoup de par son atmosphère assez différente comparée à celle de mes derniers billets. Quelques modifications faites, et voilà le retour de Karen.

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C’était encore une de ces soirées où chacun n’est là que pour impressionner le voisin et lui donner ce sentiment d’infériorité. La fête battait son plein et la reine de la soirée, Karen, 22 ans, chez qui la réception était donnée, fêtait tout juste son anniversaire. D’humeur toujours pétillante et joyeuse elle virevoltait d’invités en invités pour les remercier, de leurs cadeaux comme de leur présence. Je regardais tout ce petit monde, juchée sur des talons hauts à m’en donner le vertige, pendant que Bob était accroupi à côté de moi, en cherchant sous la table du buffet la boulette de shit qu’il était en train d’effriter, avant qu’un serveur ne lui donne un coup de coude involontaire, avant de se répandre en excuses. Karen était de plus en plus souriante proportionnellement au nombre de coupes de champagne qui passaient entre ses délicates mains.
Et c’est alors que je le vis. J’ai croisé son regard le temps d’un instant, le même type de regard complice et à la fois gêné que si je croisais un collègue de l’Opus Dei dans un bordel. Il était affairé à faire des boucles avec des cheveux qui ne lui appartenaient pas et la fille allongée sur le canapé se gaussait, sans doute, à l’une des blagues dites par mon bel inconnu.
« C’est bon, je l’ai retrouvée »
Le temps de me retourner et confier mon briquet à Bob pour continuer notre attrayante affaire et toutes les lumières s’étaient retrouvées éteintes. Bien sur, il devait être minuit, le gâteau et toutes les belles bougies n’allaient pas tarder à arriver. Je pris mon portable, par réflexe, par curiosité, ou par simple suspicion, pour y regarder l’heure. 1h48 du matin. Déjà. « Déjà » fut ma première pensée ; « Bizarre » fut la seconde. Vu l’heure, l’extinction des lumières n’avait plus rien de normal. Je recroisais le regard de Bob qui était décidément mis à mal avec ce énième joint de la soirée et lui demanda s’il était au courant de quelque chose. Non, bien sur que non, lui non plus ne savait pas ce qu’il pouvait bien se passer. Nous étions apparemment les seuls à trouver cela étrange. L’alcool ayant fait son effet, l’euphorie ambiante et surtout les quelques traces de drogues en tous genres sur le bord des tables en verre ont conforté mon idée qui était que nous étions sans aucun doute les seuls à avoir l’esprit le moins embué qu’il nous était possible. Remerciant mes talons je m’aperçu que je dominais de hauteur la quasi-totalité des invités présents. Dans un loft de plus d’une centaine de mètres carrés, où la musique pulsait toujours et où plus d’une soixantaine de personnes dansaient, se trémoussaient, s’embrassaient, fumaient et buvaient, il était presque vain de vouloir trouver quelque chose. Karen par exemple. Impossible de la voir et personne n’avait l’air de s’en soucier, tous préférant continuer la soirée éclairés aux veilleuses et remerciant l’organisatrice de cette idée concept. Karen avait beau avoir les défauts que tout le monde lui connaît il n’en reste pas moins qu’elle est mon amie et que son absence commençait franchement à m’inquiéter. Pendant cette courte inspection mentale, Bob avait quant à lui commencé à reluquer les beaux mâles qui se déhanchaient au rythme d’un David Guetta encore unrecorded. Cela me fit repenser à mon inconnu de tout à l’heure. De lui non plus il n’y avait plus aucune trace. En temps normal j’aurais été déçue d’avoir laissé passer un si beau coup mais cette furtive disparition ne parvint qu’à décupler mes soupçons, quels qu’ils soient.
Je décidais d’abandonner Bob quelques secondes, sur qui la fatigue commençait à prendre ses droits, pour chercher Karen. Peut-être étais-je en train de me monter le bourrichon pour rien et que cette gamine égocentrique était simplement en train de faire une partie de jambes en l’air avec le beau gosse de la soirée. Cette simple pensée me fit passer un éclair dans les yeux tout en imaginant ce dernier sortir d’une boîte géante en entonnant un début de Happy Birthday Karen en retombant deux secondes après le nez dans les confettis. J’éclatais de rire.
Ce n’était pas le moment de penser à ça. Je n’étais venue qu’une seule fois chez elle et me rappelais grosso modo où les pièces principales étaient. Je décidais d’aller de la moins à la plus intimiste. Dans la cuisine un couple qui se bécottait et une bouteille de vin ouverte, je me servis un verre et partis en direction de la salle de bains. Je frôlais les murs pour essayer d’éviter les gens qui, individuellement, prenaient la place de quatre, quand je renversais mon verre sur un Tshirt d’une blancheur immaculée parfaite, avant la belle tâche de vin en son milieu bien sur.
« Hey. Fais un peu attention là. Tu tombes bien, je te cherchais. Tu es bien Audrey n’est-ce pas ? Karen ne se sent vraiment pas bien, elle aimerait que tu arrêtes la fête et que tu vires tout le monde d’ici. Got it poupée ? »
J’avais commencé à acquiescer à l’écoute de mon prénom mais m’était abstenue de rajouter autre chose quand je m’étais mise à lever les yeux vers lui. Cette pourriture qui osait me donner des ordres était donc le gars bien fringué de tout à l’heure ? Malheureusement pour lui il ne me connaissait pas, il aurait autrement su que la manière la plus sûre de me voir ne pas faire quelque chose étant d’exiger que je le fasse. Feignant la plus totale indifférence je commença à le draguer effrontément en lui disant qu’à la base je cherchais la salle de bains pour me refaire une beauté et que cela passé je ferai ce qu’il me demandait, et plus si affinités. Un sourire éclaira son beau visage de connard. Il me laissa passer pour aller en direction de la pièce principale, où la fête n’avait pas vraiment l’air de s’essouffler. Je courus jusqu’à la chambre de Karen. Elle était assise la tête baissée, se fumant une cigarette, ou quelque chose de ressemblant. Elle leva les yeux vers moi, un œil en pleurs et l’autre en sang. Je la pris dans mes bras et appris par la même occasion que Boris, car c’était ainsi qu’il s’appelait, n’était autre que son petit ami. Voyant que je ne comprenais vraisemblablement pas la suite logique de ce statut, elle m’apprit qu’elle avait trop de dettes envers lui. C’était le meilleur dealer de la ville niveau coke et ecsta mais aussi le plus cher. Comme rien n’était jamais trop cher pour Karen elle s’était mise à le fréquenter assez régulièrement, lui et ses produits, assez régulièrement aussi. Cela allait faire un mois qu’elle commençait sérieusement à lui devoir de l’argent. C’est lui qui avait eu l’idée de cette soirée, pour faire raquer un maximum de fric aux invités qu’il aurait eu en guise de cadeaux. Seulement, la fête s’éternisait et ce qui se passait en vérité n’était vraiment pas à la mesure de ses espérances, pire, tout l’alcool et la nourriture de l’appart étaient en train d’y passer. C’est pour cette raison qu’il voulait à présent les virer au plus vite, d’autant plus qu’il avait trouvé un boulot sur mesure pour Karen qui lui permettrait d’avoir de l’argent à foison. Nous n’eûmes même pas besoin de nous regarder pour savoir en quoi consistait ce boulot.
La vie de Karen, qui semble à tous la plus merveilleuse qui soit, avec ce physique ravageur, ce luxe présent aveuglément, ces amis qui se bousculent dans la rue pour lui dire bonjour, toute sa vie est pourtant pourrie jusqu’à la moelle. Un mythe que l’on aimerait conserver comme tel et qui s’effondre aussi facilement qu’un château de cartes. Je n’ai aucune solution à lui proposer, je ne l’ai jamais vraiment connue après tout. Je ne peux que rester là et lui dire de ne pas s’inquiéter ou bien alors tenter d’user de mes charmes pour la protéger. Ils sont autant coupables l’un que l’autre, si je veux faire tomber l’un, l’autre tombera aussi. Ils sont liés tant qu’ils auront besoin l’un de l’autre. La seule phrase que je lui ai dite j’y repenserai toute ma vie mais je ne pouvais pas faire autrement. En sortant de sa chambre j’ai vu Boris qui me fit un clin d’œil à m’en faire vomir. Les invités commençaient à partir par petits groupes, je secouai Bob qui devait en être à son dixième joint depuis que je m’étais absentée et lui dit « Viens, on a plus rien à faire là ». Il eut le tact de ne me poser aucune question. Je n’avais pas non plus envie de passer la nuit seule, je me suis incrustée chez lui. Je la passais néanmoins seule à me rappeler mon unique souvenir de cette soirée, celui d’une fille qui ne vint vers moi que pour me demander de lui sauver la peau et à qui froidement, j’ai répondu « Je te souhaite bien du courage, Karen ».

Aux Zarbs citoyens !

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Me voilà foulant des pieds le parc auxerrois de l’Arbre Sec pour la quatrième année consécutive, et cela en raison d’une occasion très spéciale : le festival Aux Zarbs, se déroulant tous les ans à la même époque depuis maintenant une petite dizaine d’années. Chaque été, groupes et musiciens connus comme plus modestes se suivent sans se ressembler. C’est ici que j’ai vu défiler Dionysos, Tryo, Didier Super, Ultra Vomit, Caravan Palace, Hocus Pocus, Micky Green, Cali et les Fatals Picards, entre autres. Les têtes d’affiche de cette édition 2010 étaient pêle-mêle Pierpoljak, Renan Luce, Archive, John Butler Trio (leur deuxième passage au festival), Zenzile et Debout sur le Zinc.

Comme chaque été, les stands de boissons, nourritures et autres accessoires étaient présents, passant du stand Haribo à ceux vendant chichas et vêtements de l’événement, distribuant préservatifs ou boules Quies et autres objets fiers aux festivaliers. Regroupant à la louche 20 000 personnes pour l’ensemble des trois jours, Les Zarbs reste un festival assez sobre comparé à d’autres manifestations bien plus commerciales, et ce n’est pas un mal. Celui-ci est aussi placé de manière avantageuse en plein cœur d’Auxerre, de sorte qu’il n’y a pas plusieurs kilomètres à faire en rase campagne avant de trouver Monoprix, gares et campings.

Par contre si vous voulez dormir pour pouvoir tenir le coup sur les trois jours et les trois nuits, n’allez pas au camping des festivaliers, c’est un conseil. A toute heure du jour et de la nuit, des sons de guitares ou autres bruits stridents virevoltent ça et là entre des feux de camps aménagés illégalement à chaque coin de tente et des bénévoles de la Croix-Rouge emmenés à 7 heures du matin par la gendarmerie pour cause d’ébriété bien avancée. Parce que c’est ça aussi, l’état d’esprit des festivals.