Je me lève, comme tous les matins, et commence par me faire un café. Je n’ai aucun travail, aucune occupation d’aucune sorte, aucun ami. Je ne sais pas pourquoi je prends tant de peine à me lever le matin. Ma seule liaison vers le monde extérieur passe par mon mac. Devant mon ordi, ma vie prend une nouvelle dimension, en fait, elle en enlève juste une, mais celle qui fait tout. Arrivé devant mon bureau, je ramasse les miettes de tabac de la veille et commence à me réveiller. Comme tous les matins, je vois s’élever à côté de ma tasse de café, des volutes de fumée blanche opaque. Plus que de s’élever, cette fumée m’élève. Elle me montre un des endroits les plus malicieux et les plus encourageants que je connaisse : l’inconscient.
Salvia Divinorum ou Ayahuasca, elles ont toutes ce même effet sur moi, cette propension à me montrer la vie. Cette volonté si naturelle que de me pousser à ignorer le monde réel, pour me construire une réalité, celle où je me sentirais bien, celle où je me sentirais sain, sans culpabilités de toutes sortes, sans démons me revenant sans cesse en pleine figure.
Chaque fois où j’écrase mon mégot dans le cendrier en verre, je me mets à repenser à mes espoirs, les espoirs qu’un grand gamin pourrait avoir, je suis encore un grand gamin, je me maitrise pas encore mes sentiments, ce sont les seuls à avoir ne serait-ce qu’une emprise sur moi. Je ne me mets à réfléchir à cela que lorsque j’arrive à prendre du recul sur moi-même, quoi de mieux pour ce faire que de doux hallucinogènes qui ont le pouvoir de me montrer chaque morceau de ma moquette en train de copuler avec la couverture posée négligemment dessus. Cet état second, troisième, m’ouvre des portes que je ne pourrais jamais voir, même en prenant un verre avec le chat du Cheshire, fier à Alice. Il me transporte, me montre la voie, me montre la vie que je voudrais avoir, celle qui est à ma portée si je m’en donne les moyens. Les moyens d’aimer, de laisser tomber à mes pieds, l’armure qui me sert de miroir social. Ce même miroir que je dois exhiber à chaque fois que je sors ou que j’adresse la parole à quelqu’un. Une image reflétant un homme bien dans sa peau, peu complexé, détendu, faisant preuve d’humour et pas trop mal foutu. Toute personne souhaite voir ça chez toute autre. Moi, je souhaite seulement réussir à me voir tel que je suis, et que les autres puissent le voir aussi.