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Pourquoi [N°1] : Les gens se font-ils du mal ?

Suite à de nombreuses réflexions, je sais qu’il y a beaucoup de questions que je me pose. Dans le même temps, j’ai peut-être des éléments de réponse face à des interrogations plus générales souvent demandées. Je crée donc une rubrique « Pourquoi ? » qui tentera de répondre à ces questions, en tordant le cou aux clichés ou en enfonçant les portes ouvertes. Tout article sera évidemment et scandaleusement objectif, car je ne détiens malheureusement pas encore ni la science infuse, ni la vérité absolue.

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Le premier article de cette série est dédiée aux personnes qui se font sciemment du mal, sur le plan physique. On parle d’automutilation en tant que globalité, mais cela est souvent réduit en tant que : scarification et coupage de veines. Cela en fait bien sûr partie, mais est bien loin d’en être la majorité. Exit donc les brûlures volontaires et la trichotillomanie par exemple, sur lesquels je reviendrai un peu plus loin. Dans le même temps réside une totale incompréhension face à ce genre de comportements, que je vais tenter d’élucider.


Déjà, rétablissons les vérités sur les formes d’automutilation de façon générale. Outre le fait de se scarifier (pratique médicale ou sociale dans un premier temps), beaucoup d’autres actions peuvent être faites par ces personnes, bien souvent à tendances suicidaires. En effet, près de la moitié des hommes et femmes se mutilant meurent. Non pas des suites de leurs blessures, qui sont le plus généralement superficielles (superficielles = non mortelles, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit), mais d’un acte de suicide commis par la suite.

L’automutilation va donc prendre plusieurs formes, dont il est difficile de faire une liste exhaustive. On peut parler des brûlures corporelles faites de façon intentionnelle, de griffures, de cognement (se frapper la tête contre les murs au sens premier du terme ou contre le marbre d’une table de chevet par exemple), d’ingestion de substances dangereuses (l’eau de Javel pour ne citer qu’elle) ou bien encore de trichotillomanie. Appelée également trichomanie, elle consiste en l’arrachage de cheveux de façon systématique et compulsive. Comme beaucoup des actes d’automutilation, elle est considéré comme un TOC, au même titre que l’onychophagie (le fait de se ronger les ongles).

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Les personnes procédant à ces actes inconsidérés vont également être confrontées à la phobie d’impulsion (ou obsession impulsive). C’est à dire être dans un climat de peur permanent de se faire du mal ou à autrui. Concrètement, l’individu incriminé éprouvera une répulsion à marcher dans la rue, par peur de se jeter sur un coup de tête sous une voiture. Ou bien évitera de se retrouver seul dans une cuisine, toujours par peur de se saisir d’un couteau de manière impulsive et de se trancher la gorge. J’utilise ici le mot peur, bien que l’obsession impulsive ne soit à proprement parler pas une phobie, mais bien un Trouble Obsessionnel Compulsif. On peut comparer cet état d’esprit à celui des femmes lors de la période post-partum, qui seront amenées à maltraiter leur nouveau né, ou a minima à le penser. On tombe alors dans la névrose obsessionnelle de Freud, où se mélangent l’envie et la peur de faire une action (grosso modo, car je n’ai jamais su interpréter la plupart des théories freudiennes de façon simple).


Retournons à l’automutilation donc et maintenant à ses explications, ses motivations. Je vais évidemment mettre de côté l’algolagnie, qui ne correspond pas vraiment au thème de ce billet. Même s’il est facile de faire des parallèles partout, je doute que le BDSM ou la volonté de se faire étrangler en faisant l’amour fassent partie des formes de mutilation liées à des tendances suicidaires. Egalement, je mets sciemment de côté la destruction corporelle qui passe par l’anorexie et son inverse (toutes les formes de troubles de la conduite alimentaire en fait), préférant me concentrer sur les actions qui engendrent directement de la douleur physique.

Pourquoi donc certaines personnes souhaitent-elles de leur plein gré s’infliger une souffrance physique ? Il y a plusieurs raisons à cela. Commençons par la plus terre-à-terre car la plus scientifique. Nous savons que beaucoup de facteurs psychologiques influent sur ce genre de comportements. Pour citer Wikipédia (mes plus plates excuses), nous pouvons déjà savoir que : « Un environnement dans lequel les parents punissent leurs enfants de leurs émotions, telles que l’expression de la tristesse ou de la douleur, peut contribuer à une difficulté d’exprimer certaines émotions et s’exposent à des risques élevés d’automutilation. Tout type d’abus ou de traumatisme durant l’enfance est considéré comme facteur de risque élevé, incluant le deuil et certains troubles des relations parentales ou avec un partenaire« . D’un point de vue psy, ce comportement a des bases solides et ne pourra être endigué que par un traitement sur le long terme ou, à défaut, par une très grande volonté. Pour l’explication scientifique dont je vous parlais plus haut, il faut comprendre que l’automutilation libère de l’endorphine. Chaque acte de mutilation corporelle, peu importe sa nature, va procurer du bien à la personne. Comme avec toute drogue qui libère de l’endorphine, va venir l’accoutumance et donc le besoin de se mutiler plus souvent et / ou plus fort. On peut alors parler d’une euphorie venant avec la douleur où ces actes deviennent un réel besoin.

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En outre, l’automutilation s’apparente sous bien des formes à une réelle punition. Une punition physique, comme beaucoup d’enfants ont pu le ressentir lorsqu’ils faisaient une bêtise. Une personne souhaitant se faire du mal, va par exemple se donner de fortes claques (souvent même en s’insultant) comme pour stopper le mal psychique qui l’occupe au moment M. Comme pour se punir d’être triste. La claque, ou la scarification profonde, ou le fait de rentrer dans un bain bien trop brûlant, a ici un rôle d’électrochoc dans l’idée de sortir de cet état de torpeur, de tristesse et de soumission face à ces émotions négatives. L’effet est la plupart du temps à court terme, ce qui implique une automutilation à répétition, comme dans le cas expliqué par l’endorphine.

Egalement, l’expression physique de cette douleur mentale est un vrai appel à l’aide. Qu’il s’additionne ou remplace les deux tentatives d’explication précédentes, cet acte montre tout de même une envie de s’en sortir, grâce aux autres. L’individu présentant des bleus ou des marques de brûlures pour ne citer que ces exemples, souhaite montrer qu’il souffre et attend qu’on lui tende la main pour l’aider à s’en sortir. L’automutilation étant un trouble de la personnalité borderline, la personne concernée aura aussi bien une mauvaise image d’elle (repli sur soi, envie de se cacher), qu’une volonté de se montrer ainsi que ses blessures. Quand on se réfère aux caractéristiques de la TPB citée dans la phrase précédente, on comprend que l’automutilation, comme le suicide ou du moins ses tentatives, sont des manières de décharger l’angoisse de l’homme ou la femme.


Je vais m’arrêter là, car je sais pertinemment que je ne pourrais pas me stopper si je continue à parler des troubles cités par le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), dont l’automutilation fait évidemment partie. Je pense que c’est une réelle maladie et qu’elle se soigne. Il faut donc qu’elle soit traitée, le plus tôt possible si vous en avez l’occasion. J’ai l’impression de dramatiser le sujet mais il faut également savoir que c’est un état d’esprit en dents de scie. L’automutilation va survenir sur des périodes pouvant aller de quelques semaines à des années, selon les circonstances. Evidemment, plus les rechutes sont fréquentes (pour bien des raisons : mort d’une personne proche, déception amoureuse, mal-être général, etc.), plus la période de passage à l’acte sera longue. Si vous connaissez des personnes atteintes, ne les blâmez pas, rassurez-les, comprenez-les tout en les encourageant à exprimer leurs émotions par le biais d’autres supports : lecture, dessin, chant, etc. Les occupations les plus simples, qui se rapportent bien souvent à l’enfance, sont tout aussi efficaces. Soyez près d’elle mais ne les étouffez pas, car se sentant surveillées, elles auront tendance à expier plus facilement leur désespoir par la mutilation, synonyme également d’interdit, une fois seules.

« Les mots sont nos vies ? »

Les mots sont inutiles. Ils ne sont représentatifs des sentiments des seules personnes qui les disent ou écrivent. Ceux qui les lisent ou les écoutent ne pourront jamais être aussi touchés que ceux qui les laissent échapper. Ils sont donc, non pas inutiles comme je l’ai dit précédemment, mais à double tranchant et diablement inefficaces quand on touche à l’affect.

J’ai eu cette illumination bien tardive en recevant la semaine passée des mots tendres, touchants, superbes, mais qui me passaient au-dessus de la tête car je ne me sentais pas concernée. Cela m’était déjà arrivé à maintes occasions mais sans que je ne me pose véritablement la question de leur utilité et de leur pertinence. Cette prise de conscience fonctionne dans les deux sens. Tous les mots que j’ai pu dire et continue à mon grand malheur de penser, ne seront jamais compris à leur valeur par celui à qui je les destine. Plus que de la déception, on peut parler à juste titre de frustration.

L’homme a beau se vouloir sympathique envers autrui, il n’en reste moins inapte à se mettre dans des situations « étrangères ». A quoi bon parler, à quoi bon écrire, si l’on reste incompris ? Car même en restant incompris, les personnes qui seront avec vous les plus sympathiques et agréables vous donneront l’impression du contraire, celle de vous sentir compris ; réaction encore plus dangereuse, mais après tout celle que l’on attend le plus. Perfidie ou sympathie que de faire croire qu’on comprend des sentiments qui ne nous touchent pas, même s’ils nous concernent par extension ? Bien qu’ayant un côté pessimiste bien affirmé, je préfère pencher pour de la sympathie. Je n’ai pas encore perdu tout espoir en ce qui concerne l’espèce humaine et continue de penser, sans doute avec naïveté, que ces réactions ne sont que positives. En partant tout de même du principe qu’elles sont mensongères et construites de toute pièce. Mais peut-être pensé-je cela car je suis incapable de me mettre à la place des autres, et que je résume à moi toute seule tout le désespoir et le pessimisme que j’imagine universels…